Il n'y a pas si longtemps, lors du XXe siècle finissant, le nom de Bilbao évoquait peu aux touristes de passage sur la côte.
Au mieux, les aficionados, passionnés de corrida, connaissaient sa feria mais gardaient en tête une ville noire, poussiéreuse, en plein marasme. Il faut dire que cette ville-port fondée en 1300 sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle (ce qui explique la dédicace de la cathédrale Santiago) avait son dynamisme derrière elle.
La crise industrielle avait frappé et entraîné la fin d'un modèle de développement.
Car, à l'instar de Liverpool, c'est bien la révolution industrielle, celle du charbon et de l'acier, qui fit la fortune de la capitale de la Biscaye et de sa bourgeoisie. Forte de ses relations commerciales avec l'Europe du Nord, la ville connut un développement extrêmement rapide, attirant des immigrants de toute l'Espagne et dont témoigne un riche patrimoine monumental. Les immeubles chics, les bâtiments publics sont clairement l'expression des modes architecturales de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle : éclectisme, Art nouveau.
Les férus de technique savent sans doute que le premier pont transbordeur au monde fut construit ici en 1893 ; classé par l'Unesco, il fonctionne toujours !
Voilà où j'avais moi-même laissé Bilbao : une ville sans guère d'intérêts apparents et qui ne méritait en aucun cas le détour. En 1997, la réaction du gouvernement nationaliste basque fut éclatante : la reconversion nécessaire passait par la culture. D'une ville en crise industrielle, l'inauguration du Guggenheim fit un pôle culturel de niveau européen au point qu'aujourd'hui plus d'un million de touristes viennent sur les rives du Nervión.
Ils y admirent le chef-d'œuvre de Frank O. Gehry qui, sur les bords du fleuve, figure un poisson fabuleux échoué là comme par magie. Les mots rendent mal l'impression que fait un bâtiment multiforme couvert d'écailles de titane, de verre et de calcaire jaune.
Le Guggenheim, c'est une expérience visuelle tant à l'extérieur qu'à l'intérieur où, dans un labyrinthe multidimensionnel, se déploient dix-neuf salles et un atrium central haut de 50 mètres. L'œuvre monumentale se suffit sans doute à elle-même, d'autant que sans entrer dans le musée vous pouvez profiter de deux œuvres contemporaines : le chien Puppy de Jeff Koons au pelage de fleurs (40 000 sur 13 mètres de haut !) et, au bord du fleuve, la Maman de Louise Bourgeois, qui, araignée géante de métal, en vous écrasant de sa, peut vous conduire directement chez le psychanalyste.
La ville est devenue un spot exceptionnel d'architecture contemporaine : le métro qui vous permet d'aller à la plage a été imaginé par Norman Foster; la passerelle Zubizuri (le « pont blanc ») est de Santiago Calatrava, elle mène au complexe voulu par Arata Isozaki qui lie la ville à sa ria; le Palais Euskalduna des congrès et de la musique, de Federico Soriano et Dolores Palacios, reprend avec sa façade rouillée le fil de l'histoire des chantiers navals dont il occupe le site.
Pour aller à encore plus original, il faut vivre l'expérience proposée par Philippe Starck. En réhabilitant d'anciens chais à vin et à huile, il a, avec l'Alhôndiga Bilbao, conservé un squelette mais évidé l'intérieur pour créer un atrium ébouriffant : offre une vue surprenante car, par en dessous, des nageurs s'ébattant dans la piscine du dernier étage.
la côte de biscaye et de guipúzcoa (2018). Dans pays basque une terre, l’océan et des hommes .