L'ancien Sémaphore de Socoa


D'une tout autre façon, l'ancien sémaphore de Socoa, édifié en 1836, nous ramène également à l'histoire de la navigation si intimement liée à celle de ce peuple de marins.

 

Témoin de la glorieuse époque de Guizot et des premiers balbutiements de la télécommunication, il fait partie intégrante d'un système de relais édifiés à cette époque sur tout le littoral français.

 

Depuis le sémaphore, qui était à l'origine surmonté d'un haut mât enchâssé dans sa toiture, un deuxième mât se dressant à côté du bâtiment, des signaux étaient émis, à la fois en direction de la mer, vers les navires, et en direction de la terre, vers les autres relais jalonnant la côte.

Il était ainsi possible à tout moment d'envoyer des messages aux navires naviguant dans les parages de la baie de Saint-Jean-de-Luz ou de faire parvenir des dépêches urgentes par voie de terre.

Le sémaphore comporte de fait deux bâtiments disposés en L autour d'un jardin intérieur. C'est sur celui-ci qu'ouvre le premier, sans doute initialement dévolu à l'hébergement du personnel, alors que le second, tourné vers la mer, offre aux embruns une tour hémicylindrique percée de fenêtres rectangulaires.

 

Il a été investi voici une trentaine d'années par le philosophe Nicolas Grimaldi, qui y vit à l'année en compagnie de son épouse. Il nous montre la falaise qui plonge en contrebas : constituant le plus grand flysch d'Europe, ces plissements étranges dessinent sur quatorze kilomètres l'impressionnant mille-feuille qui constitue le relief dramatique de la Côte basque.

Ce trésor géologique nous ramène quarante-cinq millions d'années en arrière ; à l'époque, le pays tout entier sommeillait encore sous les eaux, avant qu'un gigantesque cataclysme, à l'origine de la formation des Pyrénées, ne fasse brusquement rejaillir à la surface de celles-ci les strates de sédiments enfouies à deux mille mètres de profondeur, les dressant à la verticale comme autant de fiers remparts sculptés par l'Océan.

 

Mais le mouvement, s'il est moins spectaculaire, n'a pas pour autant déserté la matière sensible de la roche. Nicolas nous explique qu'il est, depuis sa jeunesse, le témoin impuissant de son érosion lente et inexorable : un sentier bordait naguère le sémaphore, comme en attestent les deux blocs de pierre suspendus au-dessus du vide, qui constituaient jadis les piliers du portail donnant de ce côté-ci accès au sémaphore.

 

Ne peut-on y voir également un curieux symbole : celui du sage qui se tient « en retrait » du monde et qui assiste à la lente désagrégation des valeurs qui y avaient cours jusque-là ?

 

Aujourd'hui, les Grimaldi ont investi les deux corps de bâtiments : la tour est dévolue aux espaces de réception : au faîte de celle-ci, on parvient à un salon circulaire surplombé d'une mezzanine sur laquelle est installé un bureau servant de bibliothèque.

 

Des fenêtres du salon, le regard embrase toute l'étendue de la côte : d'un côté, le fort de Socoa, derrière lequel se déploie la baie de Saint-Jean-de-Luz protégée par ses trois digues, puis les falaises dissimulant l'anse de Biarritz et au-delà, l'estuaire de l'Adour et une longue Ligne claire soulignée de noir, celle de la côte landaise qui se déroule jusqu'à la dune du Pila ; de l'autre, la silhouette trapue du Jaïzquibel, les Trois Couronnes (en basque Aiako Harria), puis les toits de Fontarabie et le lit de la Bidassoa.

 

 

l'ancien sémaphore de socoa (2015). Dans Jardins & Intérieurs du Pays Basque.

   

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