Un peu plus tardif que le château d'Antoine d'Abbadie, le domaine de Françon nous offre lui aussi la matérialisation d'un rêve septentrional : l'immersion d'un coin d'Albion en terre basque.
Prouvant ainsi à quel point, six siècles après la fin de l'hégémonie anglaise sur l'Aquitaine, les liens restent étroits entre les deux pays. Le promoteur de cet audacieux projet est un riche importateur anglais, John Pennington Mellor.
Après avoir pratiqué avec succès le négoce sur toutes les mers du monde, il devient dès le début des années 1870 un fidèle de Biarritz, qui est à cette époque le lieu de convergence du gotha international. Il loge au Grand Hôtel (où sa fille Hilda verra le jour le 2 octobre 1876) et fonde avec le vice-consul d'Angleterre, le banquier Edmund Bellairs, le premier British Club de la station.
En 1879, au cours d'une de ses promenades, il s'entiche d'un vaste terrain sis à la périphérie immédiate de la ville, non loin du lac Mouriscot. Il n'en faut pas plus pour qu'il l'acquière et décide la construction d'une somptueuse demeure, la villa Françon.
Il en confie la réalisation à un tandem d'architectes anglais réputés, Ralph Selden Wornum et Edward Salomons, qui s'étaient distingués par la construction d'élégantes résidences de maître à travers toute l'Europe.
Au terme d'un chantier colossal, le domaine est inauguré le 12 septembre 1882 : il comprend alors le château proprement dit, deux conciergeries et des écuries, le tout réparti sur une propriété de vingt hectares s'étageant en pente douce vers l'Océan.
En matière d'architecture, Pennington a des goûts très arrêtés : la mode du néo-basque n'est pas encore lancée, et il semble de toute façon peu sensible aux types constructifs locaux. Son choix se porte sur le style «Old English», très prisé à l'époque au Royaume-Uni.
La vogue en a été lancée dès 1871 avec la publication dans le supplément du magazine Building News des plans et perspectives du manoir de Leyswood dans Le Sussex, une œuvre de Robert Norman.
Ce prototype développe les caractéristiques d'une mouvance puisant dans le pittoresque de l'architecture rurale anglaise : on y découvre déjà les pans de bois et les hautes cheminées de briques cannelées que l'on retrouvera à Françon.
Ironie du sort ou coïncidence : ces pans de bois typiques de l'architecture «Old English » ne sont-ils pas également une constante de la construction des Landes et du Labourd, régions ayant toutes deux connu au Moyen Âge la domination britannique ?
Les architectes Selden Wornum et Solomons, s'ils sont censés être aguerris à ce genre d'exercice, n'en ont pas moins un défi à relever : concilier de la façon la plus harmonieuse les espaces « de représentation» dévolus aux grandes réceptions mondaines avec une partie beaucoup plus intime réservée à la vie familiale, sans oublier une implantation aussi rationnelle que possible des nombreux locaux de service et des circulations (plus de trente personnes travailleront au manoir).
le domaine de françon à biarritz (2015). Dans Jardins & Intérieurs du Pays Basque.