Le Makhila


En 2011, le petit village de Larressore, près de Cambo, a pu s'enorgueillir d'une distinction rare.

 

L'entreprise Ainciart Bergara a été inscrite à l'inventaire des Métiers d'art rares au titre de la convention de l'Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel mondial. L'atelier existait déjà au XVIIIe siècle et fait ainsi partie des rares entreprises familiales plus que centenaires.

 

À côté des quenouilles, un objet bien particulier est fabriqué avec une technique dont on se transmet jalousement les secrets. À condition de le réserver très longtemps à l'avance, vous pourrez, comme tous les présidents de la République, Jean-Paul II ou Charlie Chaplin (qui on le sait aimait les cannes), vous honorer de posséder un makhila, le bâton ferré des Basques.

 

Comme le dira peut-être la devise que vous créerez ou choisirez dans une liste fournie par l'artisan : Zaharrak laguntzen gasteak edertzen (« Aide les vieux, embellit les jeunes »). À moins que vous ne préfériez : Gau ilhunarekin har makhila zurekin (« Pour ta nuit obscure, prends le makhila avec toi ») ou, et c'est bien dans l'esprit basque : Makhila eskuan nabila munduan (« Le makhila en main, je vais de par le monde »).


Ce bâton est fait de néflier au bois dur, quasi incassable, et d'un grain très fin.

Il est tiède dans la main, léger et surtout bien équilibré. Sa décoration démontre toute la patience nécessaire à un objet d'art. En effet, le décor de scarifications est réalisé directement sur la plante encore vivante.

Cela suppose que l'artisan sorte au printemps de son atelier, croise dans des parages de lui seul connus et cisèle à son goût la tige encore vive avant de revenir la couper au début de l'hiver. La plante en cicatrisant a complété le travail de l'homme et fourni un dessin indélébile. Il ne reste plus qu'à habiller de métal (laiton, argent ou or) gravé de son nom un bâton qui est aussi une arme.

 

D'un côté, une pointe ferrée aide à la marche; de l'autre, cachée sous un pommeau qui se dévisse, une pointe acérée. Elle peut régler son compte au loup qui menace le troupeau ou montrer aux gredins que le Basque ne se laissera pas faire. Nerekin nehoren beldur (« Avec moi peur de personne »), dit une autre devise, et il est vrai que, ce sceptre en main, on se sent roi de la montagne... ou du métro.

 

 le makhila (2018). Dans pays basque une terre, l’océan et des hommes .