L'Église Saint-Martin
Bâtie au sommet d'une colline, Saint-Martin est incontestablement une des plus belles églises du Labourd. Elle fut en grande partie reconstruite vers 1640 par son curé, Pierre Axular (1556-164.), l'auteur de Gero (« Adieu »), une œuvre en langue basque aux intentions patriotiques et religieuses dont le retentissement fut considérable.
Axular était, pour le linguiste Louis-Lucien Bonaparte (1813-1891), qui fit apposer une plaque en son honneur dans la nef de l'église, « le plus éloquent des écrivains basques ».
Au milieu du village, Saint-Martin s'impose par sa masse trapue, trouée çà et là de baies sous arc en plein cintre.
Le clocher, exhaussé en 1765, s'élève à l'ouest, au-dessus d'un porche abritant une porte cloutée à vantaux de bois, sous des voussures également plein cintre.
Comme sur la plupart des édifices basques, la façade sud comporte un cadran solaire, daté de 1714; il porte une devise en basque : «Toutes les heures blessent, la dernière envoie au tombeau. »
Une seule nef occupe tout l'espace intérieur. Trois étages de galeries à balustres de bois tourné et décorées de motifs régionaux s'accrochent sur trois côtés, face au retable corinthien or et pourpre.
Au dessus, règne une superbe voûte surbaissée, en lattis de bois, repeinte vers 1877 d'illusions gothiques.
Saint-Martin, qui fut complètement ravagée sous la Terreur pour être un peu plus tard réparée et rendue au culte, a encore été endommagée par un incendie en 2003.
La cloche, dont il ne restait que des morceaux épars a été entièrement refondue et gravée par le plasticien contemporain Marc-Antoine Orellana, également auteur des décors du bourdon de la cathédrale de Bayonne.
Des fragments de bois brûlé de la charpente ont aussi été confiés à l'artiste Juan Gorriti qui en a fait des sculptures, dont certaines furent vendues afin de financer les travaux de réfection de l'église. MICHEL DUVERT
Ortillopitz
L'actuelle Ortillopitz, ancienne maison d'un armateur luzien, a été reconstruite en 1660 sur les vestiges d'une demeure érigée en 1540. La vallée que domine l'etxalde (domaine) est scandée de fermes qui tournent le dos aux vents pénétrant du golfe de Gascogne.
Une fois passés le lorio, large vestibule ouvert sous le porche, puis le seuil de la porte, un grand escalier de chêne bordé d'une unique planche servant de garde-corps conduit à la sukalde (cuisine), qui s'organise autour du foyer.
Elle profite des ouvertures et d'un balcon courant le long de la façade, dont les balustres de bois tourné apportent une coquetterie dans cet ensemble rigoureux et sobre. Faisant face à la cheminée, est disposé le zizailu, banc traditionnel au large dosseret, ainsi qu'une simple table pour le repas.
Dans la cheminée, qui offre un beau corbeau de pierre sculpté, le foyer est aménagé sur une plaque de tôle, posée sur quatre pieds de pierre. Une plaque de cheminée est exposée dans la pièce: elle est formée d'une dalle épaisse de grès rouge, couronnée d'un fronton arrondi, lequel abrite les trois croix d'un calvaire en faible relief, s'inscrivant dans une sorte de cartouche.
Huit boules en fort relief viennent, sur la tranche, souligner ce fronton. Cette plaque paraît être une rareté, localement, en dehors de la Soule.
Dans les chambres, les lits ont été reconstitués, équipés de sommier de corde. Les draps de lins sont tendus sur les matelas de laine et dans les coffres, ornés de motifs décoratifs traditionnels, on découvre les dentelles et les linges sans âge.
Au grenier, le vaisseau développe toute sa longueur, à l'instar de coques de navires. La charpente est supportée par une série de poteaux, sur lesquels se posent les pannes de 15 m de long. Sur les chevrons, un voligeage de châtaignier vient soutenir plusieurs rangées de tuiles canal, lestées de lauses en pierre de la Rhune.
Dehors, en passant devant la fontaine qui alimente un bassin de pierre et un petit lavoir domestique, le regard emprunte presque naturellement l'hilbide, le chemin des morts, qui semble s'enfoncer dans la colline et rejoint l'église de Sare.
Il est aussi la maison, son prolongement sacré, le lien solide qui unit les maîtres anciens au maître jeune et assure la continuité. Loin du folklore et des images bon marché, Ortillopitz conserve la mémoire de ces maisons de Sare, d'après la Paix des Pyrénées, lorsque déboucha vraiment la prépondérance française, et qu'une frontière sûre fut aménagée avec une Espagne en déclin, mettant enfin Saint-Jean-de-Luz et ses agglomérations satellites à l'abri des redoutables raids et occupations ibériques. VALÉRIE DUGUET ET JEAN-LOUIS TOBIE
sare (2020). Dans 101 sites et monuments qui racontent le pays basque .